« Qui aime bien châtie bien » ! En cette veille de rentrée scolaire, c’est parfait ! Surtout en cette fin d’été, quand tous, nous sortons plus ou moins exsangues de cette période dite « de vacances » où, beaucoup d’entre nous ont eu le privilège éreintant entre tous, d’avoir nos enfants ou nos petits-enfants une bonne partie du temps sur les bras ou dans les jambes. Et nous sommes donc nombreux à ressentir aujourd’hui un léger – quoi que un peu coupable – soulagement, à l’idée que l’heure de la rentrée d’école a sonné.
Voici donc que nous tombons par la grâce du lectionnaire sur un petit manuel de pédagogie biblique résumé par ce fameux proverbe: « Qui aime bien châtie bien », dont la lecture a été considérablement édulcorée par la traduction que Mado a choisie : « Le Seigneur fait des reproches à la personne qu’il aime comme un père à son enfant préféré ». (Proverbes 3, 12)
Mado qui a préparé ses lectures et qui s’apprêtait à les expliquer à ses petites filles pour qu’elles ne soient pas trop dépaysées voire terrorisées m’a écrit : « Je te laisse expliquer à l’assemblée, à Jeanne, Sarah et Salomé pourquoi Dieu ferme sa porte à ceux qui n’ont pas fait le bien, Lui qui est amour… »
Cet été, les lecteurs du journal Le Monde ont eu droit à toute une série d’articles sur la Méditation. Ses bienfaits et son succès. Elle est devenue très à la mode et sur le marché du spirituel, elle se taille aujourd’hui la part du lion. Les gens aiment bien fermer les yeux et faire le vide ; aller à la rencontre de leur soi profond et retrouver la paix intérieure quand, à l’extérieur tout est chaos et furie. La méditation, ça fait paraît-il un bien fou aux cadres surmenés, aux mères de famille au bord de la crise de nerfs, aux malades dans les hôpitaux, si bien que les plus grandes entreprises du CAC 40, à côté de la salle de Fitness réglementaire installent non pas une salle de culte mais une salle de relaxation/méditation zen ou aujourd’hui, soyons modernes, de méditation de « pleine conscience ». Hier il fallait atteindre le Nirvana, aujourd’hui, c’est la pleine conscience pour les à moitiés réveillés que nous sommes.
Notre Dieu est, c’est vrai, pas très fun : un Dieu grand et redoutable qui, plutôt que de se taire choisit de nous parler, pas toujours avec une voix de velours et je me prends à rêver qu’au fond, il doit nous préfèrer debout chantant faux des vieux psaumes, qu’assis dans la position du Lotus à écouter de la musique venue d’une autre planète les yeux femés et l’air béat, avant de retourner se crever au boulot ou pour sa famille.
La première fois que nous trouvons dans la Bible ce commandement d’amour du prochain, c’est dans l’Ancien Testament et en le relisant, on s’aperçoit que ce qui accompagne directement le commandement d’aimer son prochain, c’est l’exhortation à le reprendre, à le réprimander quand c’est nécessaire : « Ne hais pas ton frère dans ton cœur, reprends-le/corrige-le pour ne pas garder de rancune. Aime ton prochain comme toi-même ». (Lévitiques 19, 18).
Le mot « reproche » est un mot très intéressant car il signifie littéralement : se « ré-approcher » ; c’est du latin du XIIème siècle : « repropiare » .
Reprocher, c’est se « rapprocher » ; cela peut vouloir dire aussi « mettre sous les yeux » / « faire voir » , ce qui a donné « remontrer » qui donnera les « remontrances » ;
« Reprocher » / « Remontrer » cela fait partie de l’amour ; c’est une part non négligeable de l’éducation. Il faut pouvoir dire, c’est à dire mettre sous les yeux, faire voir, ce qui ne va pas ; ce qui doit changer ; ce qui n’est pas admissible.
Or, ce verbe « reprendre » / « corriger » / « reprocher » est exactement celui que Louis Segond traduisait par « châtier » dans le fameux « Qui aime bien châtie bien bien ». Nous comprenons bien dès lors que cela ne signifie qu’il faille frapper fort ceux qu’on aime le plus, mais qu’on puisse – et c’est la preuve, le signe de notre amour - leur dire des choses pas forcément agréables à entendre.
Aimer, ce n’est donc pas faire fi des règlements ; c’est parfois les rappeler et les rappeler durement.
De même que dans une famille, dans une communauté de vie, si individuellement, je ne fais pas d’effort pour comprendre que j’existe à l’intérieur d’un nous ; que nous sommes un groupe et que nos manières de nous parler, d’être attentifs les uns aux autres, de nous comporter les uns à l’égard des autres influence la vie de tous, dans une société, collectivement, nos actes, nos manières de vivre, de consommer, de parler, de nous taire, d’agir ou de ne rien faire ont des conséquences sur un plan beaucoup plus vaste. Nous le savons d’autant mieux aujourd’hui que plus personne ne peut ignorer le coût écologique, économique, social de nos manières de vie.
Nos choix de vie impactent – c’est le grand mot – l’univers habité. Et bien sûr que nous avons des comptes à rendre. Pas seulement à l’heure du jugement mais chaque jour de notre vie. On ne cesse de nous le rappeler de manière de plus en plus ferme.
Quand Jésus dit qu’il faut faire des efforts si on veut être sauvés, c’est exactement ce que nous disent aujourd’hui les climatologues, les économistes, les observateurs de notre monde qui compte tenu de notre manière de vivre aujourd’hui nous prophétisent un avenir très sombre. Personne ne vient leur reprocher qu’ils nous avertisent qu’en continurant ainsi, on va payer très cher. Ce n’est pas une question d’amour ; c’est une question de logique. Il y a un moment où on paye ; il y a un moment où on va passer à la caisse. Et ce jour-là, on ne nous demandera pas si la vie fut belle et si on en a bien profité ; si on est bien content d’avoir mangé et bu tout notre saoûl ; si on est heureux d’en avoir profité jusqu’à l’excès ; ce ne seront pas les questions qui nous seront posées, mais celles que nous posaient les prophètes, je dis bien « les prophètes », qui sont, eux, dans le Royaume de Dieu, parce qu’ils ont su leur vie durant oser une parole contraire, qui n’appelait certainement pas leur contemporain à s’en mettre plein la panse mais à vivre dans un souci constant d’autrui dans ma vie.
Qeu la porte se ferme devant ceux qui ont délibérément piétiné leur vie durant l’idée même du salut ; c’est à dire en fait l’idée même que nous avions tous ici une part de responsabilité dans le gouvernement de notre espace et de notre temps, ne devrait ni nous impressionner ni nous attrister.
Ce qui devrait nous impressionner – et nous réjouir - c’est que la porte, cette porte qui claquera devant le nez des uns qui se croyaient si proches – parce qu’ils ont mangé et bu à la table du Christ et entendu son enseignement, mais qui n’ont jamais rien fait d’autre – cette porte, s’ouvrira toute grande devant tant autres, étrangers et gens du dehors, celles et ceux qui viennent de l’Est, de l’Ouest, du Nord et du Sud, des 4 coins de l’horizon donc, de la planète entière cette porte s’ouvrira largement devant les justes de toutes les nations qui auront su « faire le bien », quelle que soit leur origine, leur confession, leur religion ou leur absence de religion.
Voilà je pense où se loge l’amour de Dieu pour le monde. Pour toute le monde.