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15:00| | Prédications | Emmanuel Fuchs

Noël avec Niemöller

Le sermon que le pasteur Niemöller offre à ses camarades de captivité est très fort, saisissant, notamment lorsqu’il parle de l’attente et de l’espérance.  Alors que la tentation est grande de mettre en parallèle sa situation à la notre tant son message reste d’actualité surtout en cette difficile année 2020, nous devons bien nous garder de trop vite nous comparer. Notre situation, aussi inconfortable soit-elle voire anxiogène, n’est en rien comparable avec la violence et le drame total que vit Martin Niemöller et ses compagnons d’infortune.

Toutefois sa manière de regarder en arrière l’année écoulée et d’essayer de se projeter vers l’année qui commence avec espérance en dépit que tout autour de lui n’est que désolation et qu’il ne semble même pas possible d’envisager un avenir, peut devenir pour nous source d’inspiration. Si dans les circonstances dramatiques qu’il affronte Martin Niemöller arrive à entrevoir quelques lueurs d’espoir enracinées dans sa foi et fécondées par la lecture de l’Evangile, alors nous pouvons nous aussi envisager l’avenir. L’envisager non sans inquiétude, non sans incertitude, mais avec cette confiance que le Seigneur tient promesse et nous abandonne pas.

Martin Niemöller commence par souligner toutes les raisons qu’ils auraient de désespérer. Il écrit « A quoi tout notre espoir a-t-il abouti ?, car ce qui nous accablait ce n’est pas seulement notre propre misère, mais la détresse du monde entier … Aussi sommes-nous tentés de faire passer toute l’année 1944 dans la colonne des pertes …tel d’entre nous a peut-être plus de confiance que tel autre, mais aucun ne doit en avoir gardé beaucoup et notre force intérieure n’est pas inépuisable. Ainsi désemparés en cette fin d’année, nous en sommes à nous demander s’il vaut encore la peine de vivre, d’attendre, de lutter ? »

Au bord du désespoir, il est intéressant de noter que le pasteur Niemöller choisit de s’appuyer sur la figure de Siméon. Une figure étonnante de la Bible. Siméon est un vieillard dont nous ne savons que peu de choses, car sitôt après ce passage de l’Evangile, il disparaît. Malgré que nous ignorions presque tout de lui, il demeure parmi les figures les plus impressionnantes dans le fait que toute sa vie n’aura été qu’une longue attente. Il a passé sa vie à attendre et son attente qui a duré des années et des années n’a pas été vaine puisqu’elle se termine par un chant d’action de grâces. Pour lui, comme le souligne Niemöller, la vie a pleinement tenu ses promesses.

Niemöller n’en déduit pas simplement qu’il suffit d’être patient et de savoir attendre ; l’expérience de sa longue captivité le lui a appris mieux qu’à quiconque « maintes expériences amères nous ont appris qu’il y a parfois loin de l’espérance à sa réalisation et que la plupart du temps d’ailleurs elles ne se rencontrent pas ». Lucide donc Niemöller s’accroche à Siméon en soulignant qu’alors que beaucoup auraient depuis longtemps cesser d’espérer Siméon lui persiste et Niemöller de poser cette question à ses compagnons de captivité « cette attente du vieux Siméon peut-elle nous être de quelque secours dans notre détresse ? »

Immédiatement il précise : « certainement pas dans le sens de la conclusion que nous pourrions en tirer : ne cesse pas d’espérer ; tout finira par s’arranger ». Il lui en faut plus pour fonder son espérance qu’une douce illusion. A l’image du psaume 25 que nous avons relu il constate que « quiconque attend ce que Dieu lui a promis, n’attend pas en vain. Il peut avec une joyeuse et tranquille espérance patienter jusqu’à ce que vienne le jour où la promesse s’accomplit. Voici donc la question qui nous est posée : qu’attends-tu, quel est l’objet de tes espoirs ? »

Pour Niemöller et ses compagnons, l’espoir le plus vif tourne bien sûr autour de leur libération, de la paix, de la fin de la guerre, mais il doit bien constater « qu’aucune de ces choses qui nous tiennent le plus à cœur ne nous est garantie par Dieu » et de poser alors la question si difficile : « si Dieu ne nous vient pas en aide dans notre détresse la plus accablante, quel sens cela peut-il bien avoir d’attendre et d’espérer ?». Il faut chercher plus loin, plus profond ; il faut puiser dans la Parole de Dieu à l’instar de Siméon ; car pour Niemöller elle ne déçoit pas ceux qui persévèrent dans une obéissance confiante et dans une attente patiente.

L’attente de Siméon a dû être longue et pénible et lui apparaître comme un joug, une servitude. Cette paix à laquelle il aspirait, il l’a maintenant trouvée, ses chaines sont tombées. Qu’est-ce qui a provoqué ce changement ? Siméon a été poussé au temple par une force intérieure et alors que personne autour de lui ne prend la mesure de qui est cet enfant présenté au temple, lui le voit : « mes yeux ont vu ton salut ». « Ses yeux, écrit Niemöller se sont ouverts comme s’étaient ouvert ceux des bergers. Il en est convaincu : dans cet enfant, il y a celui qui dissipe les ténèbres qui empêchent les hommes de voir Dieu et de discerner ses voies. »

Et Niemöller de poser la question : « A-t-il raison ? L’obscurité plane encore sur les peuples … et le peuple n’a rien su faire de mieux que d’intenter un procès à ce Sauveur. Et pourtant c’est bien l’accomplissement. Siméon l’a vu » et Niemöller de souligner qu’ils sont nombreux ceux qui, comme Siméon des disciples, à la femme adultère jusqu’à nous aujourd’hui, l’ont ainsi reconnu.

Alors que d’autres n’ont rien vu, Siméon a vu avec les yeux de la foi et la question nous est alors posée à notre tour. Cet enfant dans la crèche, ce rabbin qui parle en paraboles, cet homme cloué en croix … veux-tu l’accepter comme Sauveur ? questionne Niemöller. « Cet accomplissement perçu par Siméon et dont les apôtres ont témoigné, il est aussi à notre portée en tout temps… Ce n’est pas un accomplissement qui supprime nos soucis ou nos détresses mais qui leur enlève toute amertume. » Et Niemöller de citer ce beau passage de la 2ème aux Corinthiens : « pressés de toute part nous ne sommes pas écrasés ; dans des impasses nous arrivons à passer ; pourchassés mais non rejoints ; terrassés mais non achevés ». Et Niemöller de conclure ainsi son sermon : « Ainsi donc nous pouvons prendre congé de la vieille année avec reconnaissance : Dieu n’a-t-il pas envoyé le Sauveur et ne l’a-t-il pas envoyé pour nous aussi ? Quelles que soient nos détresses passées ou futures, notre foi est notre soutien. Par elle nous sommes libres, car Dieu nous a fait ses enfants. Plaçant en lui notre espérance, nous avons la paix, car nul ne peut nous ravir de sa main. Nous pouvons ainsi commencer la nouvelle année avec confiance même en ignorant ce qu’elle nous réserve. »

Magnifique message d’espérance que ce sermon du pasteur Niemöller, non pas une douce illusion mais une espérance placée en Christ qui vient à notre rencontre. Comme Siméon, nous sommes nous aussi appeler à le reconnaître, à le voir au-delà de nos yeux, à l’écouter au-delà de nos oreilles, à discerner ses traces en dépit de toute apparence.

Ce Noël ne sera pas comme les autres, unique à bien des égards pour beaucoup d’entre nous et l’année qui s’ouvre pleine d’incertitudes ; toutefois aujourd’hui nous voulons rendre grâce comme Siméon, car nous croyons que Dieu a définitivement rejoint notre nature humaine et qu’il s’est engagé avec nous sur nos chemins et comme il nous en a fait la promesse jamais il ne nous abandonnera. Il l’est à jamais l’Emmanuel chanté à Noël : Dieu avec nous. Nul ne sait ce que l’avenir nous réserve, mais nous pouvons l’aborder avec espérance car comme le Seigneur fut avec nous hier et l’est aujourd’hui, il le sera encore demain, c’est Lui qui toujours devant nous ouvre un chemin, un avenir, une espérance.

Amen

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