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10:00| | Prédications | Bruno Gérard

En déroulant ce chapitre 12 l’Évangile de Marc, nous assistons à un concours très spécial... il pourrait s'’intituler le concours d'herméneutique de Jérusalem !

L'herméneutique se définit comme la science qui interprète les textes.

Elle est capitale dans tout système de croyance qui repose sur des écrits. Dans le judaïsme, l'autorité des grands prêtres, des sages est importante pour le courant théologique qu'ils animent. Les controverses sont récurrentes et participent à ce jeu de pouvoir.

Les interprétations font office de jurisprudence. Elles ont donc un impact sur la vie quotidienne des gens, sur leur spiritualité et leur foi.

 Jésus, en tant que nouvel arrivant dans ce jeu de pouvoir, doit aussi montrer sa puissance. Il est donc mis au défi par ses détracteurs comme dans cette séquence décrite dans Marc.

Dans cette bataille d'argumentaires vont se succéder quatre groupes de différents courants du judaïsme !

 Alors premier round :

11. 27- Alors que Jésus allait et venait dans le temple, les grands prêtres, les scribes et les anciens s’approchent de lui. 

28 Ils lui disaient : « En vertu de quelle autorité fais-tu cela ? Ou qui t’a donné autorité pour le faire ? »

Pour cette première Battle théologique, la grosse armée est envoyée pour contrer Jésus. Les Caciques du Temple se plantent en nombre face à lui et lui posent la question de l'autorité. De quel droit, toi Jésus te permets-tu de débarquer dans le Temple et d'enseigner aux israélites ? ... et en sous-texte de marcher sur nos plates-bandes !

 En réponse Jésus les interroge : « Je vais vous poser une seule question ; répondez-moi et je vous dirai en vertu de quelle autorité je fais cela. :30 Le baptême de Jean venait-il du ciel ou des hommes ? Répondez-moi ! » 

Jésus répond en invoquant Jean-Baptiste. Très ingénieux. Ainsi, il pose un problème stratégique à ses adversaires. Jean est un prophète respecté ... pour l’armada du Temple, répondre : « des hommes » reviendrait à s’aliéner la foule qui suivait ces duels avec attention. Les grands prêtres, les scribes et les anciens plient devant Jésus le stratège. Il établit un peu plus son assise religieuse. Jésus 1 – lettrés 0

 Vient ensuite une autre salve de contradicteurs, envoyés à Jésus par les précédents adversaires :

 13 Ils envoient auprès de Jésus quelques Pharisiens et quelques Hérodiens pour le prendre au piège en le faisant parler. 

14 Ils viennent lui dire : « Maître, nous savons que tu es franc et que tu ne te laisses pas influencer par qui que ce soit : tu ne tiens pas compte de la condition des gens, mais tu enseignes les chemins de Dieu selon la vérité. Est-il permis, oui ou non, de payer le tribut à César ? Devons-nous payer ou ne pas payer ? » 

15 Mais lui, connaissant leur hypocrisie, leur dit : « Pourquoi me tendez-vous un piège ? Apportez-moi une pièce d’argent, que je voie ! » 

 S'avancent donc devant Jésus des Pharisiens et quelques Hérodiens. Des Hérodiens ... qui l'eut cru, qu’un tyran comme Hérode puisse lever des partisans ! Il s'agirait en fait de sadducéens favorables à la famille d'Hérode. Quand la politique se mêle au spirituel. C'est justement l'objet de la question sur l'impôt. -une question de vie quotidienne –

De nouveau, Jésus les contre en ne mélangeant justement pas politique et religion. Devant l'effigie de César sur une pièce de monnaie, Jésus inscrit le deuxième point : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Trop facile !

 Malgré leur mauvaise foi et leur hypocrisie patente, nous pouvons reconnaître aux détracteurs de Jésus une certaine ténacité. Ils ne désarment pas et des Sadducéens se présentent pour la troisième manche.

18 Des Sadducéens viennent auprès de lui. Ces gens disent qu’il n’y a pas de résurrection.

 Le texte prend le temps de nous signaler que les sadducéens ne croient pas en la résurrection des morts ... Ils ont pour Jésus une question de vie conjugale un peu fumeuse sur la vie après la mort.

 Ils prennent le cas « d'école » d'une femme qui se serait mariée sept fois de suite avec sept frères... Chaque frère mourant à chaque mariage. Il faut tout de même avoir l'esprit retord pour fabriquer un tel scénario. La problématique improbable de ces hommes est de savoir lequel de ses maris la femme retrouvera après la résurrection, (résurrection à laquelle, ils ne croient même pas). Jésus les renvoie à leurs questions stériles par un : vous êtes complètement dans l'erreur. De cette volée imparable, Jésus conclut le troisième set face à de pitoyables adversaires.

 Après une discussion sur l’autorité de Dieu et des hommes, après la question pratique de l’impôt à payer, après une histoire de vie conjugale et de résurrection, le texte pourrait continuer ainsi indéfiniment et nous attentons les prochains ... c'est d'ailleurs ce qu'il semble arriver quand une quatrième et dernière équipe se présente devant Jésus. Il ne s’agit en réalité pas d’une équipe mais d’un homme seul, un lettré.

 Il va être l'exception qui confirme la règle puisque l'homme va reconnaître à Jésus sa solidité de pensée et son autorité. 

L’homme de lettres assiste, tout ouï, aux débats précédents ... et il perçoit que ce nouveau « sage » pourrait lui apporter une aide et le faire avancer dans sur son chemin. Contrairement aux autres, il ne vient pas pour se mesurer à Jésus mais pour dialoguer avec lui.

« Quel est le premier de tous les commandements ? » 

Cette première interpellation ressemble de nouveau à un piège tendu. Un peu comme si le lettré souhaitait évaluer la connaissance de Jésus.

 Pourtant, en regardant le texte grec d'un peu plus près, nous apercevons une subtilité ... le mot πάντwν est le neutre de la racine πάs (tous, en entier) et ne peut s'accorder au féminin ἐντολή  (commandement). Avec ce petit cours de grec matinal, nous mettons le doigt sur une difficulté de traduction. Littéralement : « Pour le tout, quel est le premier commandement ?» ou bien « quel commandement passe avant tous les autres ?».

 Par cette subtilité, sa question sort l’échange, des querelles de classement … Elle n’est pas de savoir si Honorer son père et sa mère est plus important que de ne pas convoiter le bétail du voisin pour obtenir son salut.

La question véritable de cet homme est de déterminer la sève de la foi en Dieu et cette question nous intéresse au plus haut point. Elle nous ramène vers l’essentiel.

 Nous passons parfois du temps à évaluer, à soupeser les choses, à faire des classements, à renverser les priorités … c’est bien mais ce n’est pas l’essentiel du débat.

Le moine Luther avait lui-aussi en son temps reverser les priorités de l’Église de son temps en affichant, selon la tradition, un 31 octobre 1517, ses 95 thèses sur la porte de l’église de Wittenberg. Par cet acte (retenu ensuite comme fondateur du protestantisme), il participait à la contradiction. En tant que nouveau sage, il voulait asseoir son autorité, suivi bientôt par d’autres, dont Jean Calvin. Les courageux réformateurs traçaient une nouvelle herméneutique, obligeant ainsi leurs contradicteurs à redéfinir leur théologie.

Les débats furent houleux, violents parfois jusqu’à la mort. Il n’y eut jusqu’à ce jour aucun vainqueur parce qu’il n’y a en réalité pas de compétition …

 À celles et ceux qui dans le passé ont fait s’affronter les différentes confessions chrétiennes dans des luttes sanglantes, Jésus leur oppose le « vous êtes complètement dans l’erreur ».

 À celles et ceux qui aujourd’hui encore seraient tenté(e)s de reprendre les querelles de confession pour un prétexte ou autre, Jésus oppose le « vous êtes complètement dans l’erreur ».

Comme dans les disputes de Marc seul Christ sort vainqueur.

Les catholiques romains célèbrent l’eucharistie en partageant le vrai corps et le vrai sang du Christ. Certains luthériens font le signe de croix. Les orthodoxes vénèrent les icônes. Les évangéliques louent les bras levés au son de la guitare électrique. Le culte réformé se vit au son de l’orgue.

Et alors … !

C’est une grâce de pouvoir exprimer sa foi par des gestes différents, par une liturgie aux différentes sonorités, par des accents ecclésiologiques placés ici ou là.

L’unité autour de Christ se vit dans la diversité, Alléluia !

Dans le texte de Marc, la question élaborée du lettré : « quel commandement passe avant tous les autres ?» permet à Jésus de préciser à nouveau le socle de la foi.

Sh’ma Israël, Adonaï Elohénou, Adonaï erhad.

Écoute, Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un ;

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force.

En premier lieu, il y a ce devoir d’amour de Dieu. La loi donnée à Moïse pour le peuple d’Israël prend une portée universelle. Un amour qui requiert toutes nos forces humaines :

- le cœur de nos émotions

- l’âme de notre spiritualité

- la pensée de notre herméneutique

- la force de nos gestes

Amour de Dieu d’un peuple conjugué en nous qui s’aime au singulier.

 Ce premier commandement se décline immédiatement dans l’amour du prochain :

Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. »

 Peu importe les sacrifices, peu importe les holocaustes,

Peu importe la messe, le culte

Peu importe le signe de croix, peu importe les icônes

Ce ne sont que des moyens au service de ces deux commandements d’amour.

 Écoute Peuple de Dieu, le Seigneur est notre Dieu, Le Seigneur est un.

Mets ton cœur au service de cet amour

Place ton âme dans cette foi

Utilise ta pensée pour interpréter cette Parole

Manie tes gestes au profit de Dieu et des autres.

Amen

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