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10:00| | Prédications | Florence Foehr

Elisabeth le 27.11.22 – Cathédrale St –Pierre – Florence Foehr, Charpié

Elisabeth. Peut-être avez-vous vu des représentations d’elle dans un musée. Elle est associée à Marie, la future mère de Jésus, qui lui rend visite. Elisabeth fait figure de personne âgée comme dans le texte biblique que nous allons lire.

Elisabeth et Marie se tiennent généralement face à face avec souvent des marques d’affection, Carpacio au 16e s va jusqu’à les faire s’embrasser.

En iconographie, on appelle cette scène la Visitation. Dans les églises catholiques et orthodoxes, il existe une date pour fêter la Visitation le 31 mai chez les premiers et le 30 chez les derniers. Elle clôt le mois marial. C’est dire l’importance que l’église a donné Marie par rapport à Elisabeth.

La Visitation est précédée de l’Annonciation (fêtée le 25 mars) à Marie par l’ange Gabriel qui lui dit qu’elle sera enceinte de Jésus, qu’il aura un statut exceptionnel devant Dieu et qu’il règnera pour toujours.

Plus tard au 18e s. Jean Jouvenel, peint une scène de la visitation en plaçant Marie au centre, auréolée et les yeux vers le ciel : une Marie en gloire. Quant à Elisabeth, elle semble ratatinée sous celle-ci dans un geste de dévotion.

Ce qui est dommage car le texte biblique de Luc lui confère un statut important comme nous le verrons tout à l’heure comme dans un vis-à-vis de Marie.

Nous allons entendre ce texte précédé de deux courts textes dans la Genèse et dans la première épitre de Pierre

Prédication

Pourquoi avoir choisi Elisabeth ?

Parce qu’à cette période de l’année à Genève, beaucoup de personnes se sentent moins vaillantes, ont moins d’énergie, est-ce l’effet de la luminosité qui baisse, du froid et la perspective des fêtes où les problématiques familiales et personnelles sont exacerbées.

La situation mondiale rajoute une couche de stratus au moral.

Cela m’a fait penser à ce que pouvait éprouver une Elisabeth vieillissante qui n’a pas pu enfanter et qui ne le peut plus. Quand on est démoralisé, le bilan sur sa vie peut paraître obscur. Or ce texte montre qu’il est possible de donner naissance à de nouveaux projets de vie à n’importe quel âge, d’être fécond. Alors cherchons ensemble ce qui peut nourrir cette espérance.

Lourde ? Tiens, cela ne vous fait-il pas penser à une grossesse ? L’avenir se dessinerait-il malgré tout…

J’ai choisi Elisabeth pour une autre raison encore plus importante actuellement.

Parce que son personnage parle de transmission. A ne pas confondre avec le terme transition qu’on utilise en langage économique et politique, la transition écologique par ex. Le mot transmission parle de valeurs sur lesquelles, me semble-t-il, la période de transition aurait tout intérêt à s’appuyer. Oui, il faut une période de transition, mais pour arriver à quel objectif ? qu’est-ce qui motive le passage d’un modèle de société à un autre à un autre ? Qu’est-ce que l’ancienne génération veut transmettre à la nouvelle et qu’est-ce que la nouvelle génération apporte à l’ancienne ?

Pour moi, Elisabeth est la championne de la transmission, du passage d’une époque à une autre. Ce passage ne peut s’établir qu’au travers de la rencontre et de la reconnaissance d’autrui.

Des valeurs elle en a. Elle est décrite comme irréprochable et juste comme son mari Zacharie. Et pourtant, elle a subi sa stérilité. A cette époque, en effet, ne pas avoir d’enfant était considéré comme une malédiction et la « faute » provenait toujours de la femme. Elle subit ce sort comme d’autres femmes stériles mentionnées dans l’Ancien Testament, telle que Sara, Rachel, ou Anne.

Or, Elisabeth est restée droite, malgré son sentiment de honte lié à la stérilité. Certainement que son nom « Mon Dieu est plénitude » la porte.

Tout comme sa fierté d’être de la lignée d’Aaron, descendante du bras droit de Moïse, porte-parole de ce dernier.

Entre parenthèses, Aaron n’a pas fait un parcours sans faute : Il a commis la bêtise de fabriquer un veau d’or pour que le peuple l’adore plutôt que Dieu.

Mais malgré ses faiblesses, sa descendance joue un rôle important dans la fonction de prêtre. Elisabeth n’a gardé que les bons côtés de sa dynastie.

Isabelle Juillard a écrit un commentaire très pertinent sur la transmission entre Elisabeth et Marie. Pour Isabelle Juillard, Elisabeth représente l’Ancien Alliance dans l’Ancien Testament et Marie la Nouvelle alliance qui est évoquée dans le Nouveau Testament des chrétiens. Luc met en scène ces deux femmes de la même parenté. Il les fait se rencontrer, se toucher, se reconnaître et se bénir pour montrer la continuité de l’Alliance que Dieu a établi avec l’humanité, lui prouvant son amour pour toujours. Elisabeth évoque la stabilité de la tradition et la maturité : elle est mariée à un prêtre, c’est une notable issue d’une grande famille. Alors que Marie est jeune, elle a peut-être quinze ans et il lui arrive un truc bizarre : elle tombe enceinte hors mariage. Bref elle devra s’adapter et innover. Or elles reconnaissent la valeur de chacune malgré leur différence.

C’est beau : cette histoire ouvre des perspectives de dialogues entre les religions, entre les adeptes de la tradition et ceux du renouveau, entre les routiniers et les innovateurs.

L’Eternel, le Miséricordieux, notre Père et Mère à tous adresse une vocation universelle à chaque groupe pour porter la bonne nouvelle du salut quelle que soit notre origine sociale.

Bref, si nous reconnaissons qu’il est possible de contribuer au salut, à la sauvegarde de l’humanité, cela ne peut se produire qu’en travaillant ensemble à ce salut et en luttant pour sauver le monde de la destruction.

Nous pouvons avoir un bel arbre généalogique chez nous, être des enfants naturels, voir non désirés, avoir des ancêtres qui ont fauté, favorisé l’esclavagisme ou qui ont été des pionniers anti-racistes. Dieu adresse sa vocation à chacun pour qu’ensemble nous fassions le mieux possible à ses côtés.

En cela, la rencontre d’Elisabeth et de Marie exprime une possibilité de réussir de l’intégration de l’Ancien dans le Nouveau.

Auparavant, il y a tout un travail, comme avant l’accouchement qui s’opère en Elisabeth.

Elle réalise qui elle porte, le précurseur de Jésus, celui qu’elle est appelée à nommer Jean. Elle ne crie pas sur les toits qu’elle est enfin enceinte comme dans certains blogs de stars : vous savez ce qui m’arrive, je ne suis plus stérile, je vais mettre au monde quelqu’un qui aura un destin incroyable.

Tout le contraire : avec simplicité et modestie, elle se tait et se retire à la maison pendant cinq mois avec son muet de mari. Cache-t-elle sa grossesse pour être sûre de ne pas faire une fausse couche et vivre un nouvel échec de grossesse ? Reste-t-elle au calme chez elle, dans la zénitude de cet instant tant attendu ? Préfère-t-elle s’occuper de son mari ? Tout est possible.

Mais l’important est ailleurs, Zacharie son mari est muet et elle se calfeutre chez elle. Car le silence et le retrait permettent souvent de faire de la place à l’inattendu.

Elisabeth, me semble-t-il, doit simplement se préparer à accueillir un enfant exceptionnel, Jean le Baptiste qui convertira le peuple, le réorientant vers Dieu.

Luc nous décrit Elisabeth ainsi « Elle se disait voilà ce que le Seigneur a fait pour moi, en ces jours où il a posé son regard pour effacer ce qui était ma honte devant les hommes. »

Elle se retire pour prendre en compte le passé et accueillir la promesse d’une vie nouvelle, comme Jésus le fera dans le désert avant d’entamer son ministère.

Petite parenthèse : J’aimerai exprimer ma reconnaissance à l’EPG et à ses donateurs qui laissent leurs ministres partir en retraite pour qu’ils ou elles mûrissent des projets après avoir déposé tout ce qui s’est passé. Fermer la parenthèse.

Après cinq mois, quelqu’un frappe à la porte, c’est la jeune Marie. Elisabeth ouvre la porte. Que veut-elle ?

Des conseils obstétriques sur le déroulement d’une grossesse ? En tous cas, Marie est essoufflée, elle s’est hâtée de venir, essoufflée et écarlate comme ceux que vous voyez dans les rues basses s’entrainer pour se préparer à la course de l’Escalade ! Plus sérieusement, elle court comme on court lorsqu’une bonne nouvelle pointe le bout de son nez. Elle me fait penser aux bergers qui plus tard se précipiteront pour voir l’enfant Jésus. Arrivée chez Elisabeth, elle dit à peine bonjour à Zacharie, et fonce sur Elisabeth pour la saluer.

Cette scène est illustrée dans une superbe enluminure de Maître de Boucicaut, début du XVe s. où la lumière joue un rôle prédominant comme si le soleil divin éclairait la scène. Elle montre la présence du Saint-Esprit sur les deux femmes, la même présence spirituelle qui avait visité Marie en lui annonçant la venue de Jésus et qui maintenant remplit Elisabeth alors que son bébé, le futur Jean-Baptiste, tressaille en elle. Elisabeth va sentir dans son corps ce mouvement mystique. Elle accueille Marie sans condition voyant en elle celle qui porte le Sauveur du monde.

Jean-Baptiste ne pouvant encore s’exprimer, c’est Elisabeth, sa mère qui va annoncer la venue du Messie que porte Marie

Elisabeth prononce alors la première béatitude chez Luc ; Bienheureuse, que certains d’entre vous de tradition catholique disent en priant le Je vous salue Marie, pleine de grâce : Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?

Elisabeth devient le premier personnage du Nouveau Testament qui identifie Jésus comme révélant un Dieu personnel.

Je souligne personnel et non pas individuel qui rend individualiste.

C’est lui le Dieu de son peuple qu’elle sent maintenant comme son Dieu intérieur. Car le Saint Esprit l’a visitée en personne.

La bénédiction qu’elle donne à Marie en témoigne. Une bénédiction inspirée et qui la rend heureuse elle-même. Peut-être avez-vous fait l’expérience de vouloir du bien à quelqu’un, de le bénir et cela change les rapports. Du coup mon regard sur autrui change.

Elisabeth bénit Marie car elle est remplie du bonheur de lui annoncer qu’elle porte une présence divine. Elle se sent heureuse d’être apparentée à cette présence.

Décidément, j’apprécie l’attitude d’Elisabeth et j’espère vous l’avoir faite apprécier.

Femme d’expérience, avec un esprit dirigé vers la justice sociale, issue d’une classe supérieure mais sans sentiment de supériorité. Elle reçoit sa vocation sans la revendiquer. Sans esprit de compétition, elle suscite plutôt une vocation chez autrui. Aucune jalousie vis-à-vis de celle qui lui prendra la vedette.

Elisabeth, par son attitude ouvre la porte vers un avenir fécond plutôt que de rester amère par rapport au passé ou face à un avenir qui la dépasse.

Voilà qui est encourageant car rien n’est impossible à Dieu lorsqu’on accepte d’aller à la rencontre d’autrui.

Et j’aimerais terminer avec ses mots de François Bovon, professeur de Nouveau Testament, décédé trop tôt et cher à mon cœur : Dieu intervient et inaugure le salut au travers des relations humaines.

Bonnes rencontres déroutantes dans ce temps de l’Avent suivi de Noël.

Amen

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