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18:00| | Prédications | Sandrine Landeau, Bruno Gérard et Emmanuel Fuchs

célébration oecuménique

« Nous avons vu son astre à l’Orient et

nous sommes venus lui rendre hommage » (Mt 2,2)

 

Nos frères et sœurs en Orient nous proposent de méditer ce soir ce verset du récit des rois mages : « Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage ». J’en retiendrai pour ce soir deux points : d’abord l’invitation à suivre une étoile, et celle à nous incliner devant celui qu’elle nous désigne. Partons donc à la suite des mages sur les routes de la foi.

 

Les mages sont des savants : selon la science de l’époque, ils étudient les étoiles, les déplacements des astres dans le ciel, mi astronomes, mi astrologues. Ce sont des savants remplis de curiosité, qui scrutent le ciel nuit après nuit pour y chercher les schémas répétitifs, les lois qui régissent le mouvement des astres et aussi les éléments qui semblent désobéir à ces lois et qui invitent à réfléchir autrement, à interpréter. Les interprétations peuvent soit permettre d’affiner les grandes lois des mouvements des astres, soit – selon les croyances de l’époque, qui ne sont pas si loin des nôtres – dire quelque chose de ce qui se prépare dans notre monde à propos de nos destins individuels ou collectifs.

Oui, les mages sont des savants, emplis de curiosité, de soif de comprendre, de capacités d’analyse et d’interprétation. Et voilà qu’un jour ils ont vu un astre inattendu dans leur ciel. Et ils ont réfléchi, discuté, cherché et ils ont fini par interpréter la présence de cette étoile sauvage comme le signe de la naissance d’un grand roi en Israël.

Aujourd’hui nos savants à nous nous offrent d’autres types d’interprétations quand une comète ou une étoile filante apparaît dans le ciel, parce que depuis les mages les humains n’ont pas cessé de chercher à comprendre les mouvements des astres. Notre étoile à nous, ce sont les textes bibliques transmis par la tradition comme des trésors précieux jusqu’à nous. La Bible vient interroger notre vie, surprendre notre train-train, stimuler notre intelligence. Elle est là, offerte et cependant mystérieusement lointaine. Elle nous invite à réfléchir, à chercher à comprendre, à connaître. Sans cesse à nouveau les récits bibliques viennent interroger nos vies. Car la Bible ne nous offre pas tant des réponses que de nouvelles façons de poser les questions !

Face à un récit biblique, nous sommes appelé.es à la même attitude que celle des mages face à leur étoile : réfléchir, discuter, chercher à comprendre, interpréter. C’est un vrai travail, essentiel : comprendre la langue de ces récits, leur contexte de rédaction, l’histoire de leur transmission, pour comprendre un bout de leur sens. Bien sûr cela ne se fait pas tout seul, dans son coin, ne serait-ce que parce que personne ne réunit toutes les compétences nécessaires en histoire, en philologie, en herméneutique, etc. Il y avait plusieurs mages, et nous sommes nombreux à lire ces récits bibliques ! Sur la route vers Jésus, il est bon et utile d’être accompagné.e. On est plus intelligent ensemble, on peut s’appuyer sur les compétences et les sensibilités de chacun, on peut se soutenir dans nos vulnérabilités. Lire la Bible ensemble avec d’autres, soit à plusieurs autour d’une table et d’un texte, soit avec sa Bible et un ou deux commentaires ou prédications, ça aide vraiment à discerner le chemin vers lequel nous guide l’étoile qu’est la Bible ! Ce travail d’observation, de compréhension et d’interprétation est une première étape, indispensable. Mais elle n’est pas la seule.

Imaginons que les mages se soient dit : « ok, cette étoile nous indique la naissance du roi d’Israël. Très bien. Maintenant, reprenons où nous étions arrêtés avant l’apparition de cette étoile étrange. » C’était le plus logique, le plus probable : en quoi la naissance du roi d’un minuscule pays, inexistant ou presque sur la scène internationale de l’époque les concernait-elle ? Ce n’était pas grave d’ailleurs de continuer sa route comme avant : ils auraient continué à étudier comme auparavant. Et pourtant… pourtant ils ont décidé, à un moment donné de leur recherche, que cette nouvelle les concernait : ce roi était né pour eux aussi. Et ils se sont mis en route à sa recherche.

Quand on lit la Bible, il y a le même pas à faire pour en recevoir quelque chose de plus, quelque chose de difficilement prévisible. On peut tout à fait en rester à une étude scientifique – historico-critique ou narratologique – des textes, et il y a déjà là de multiples trésors à en tirer pour mieux comprendre notre histoire. Mais on peut aussi faire un pas de plus et décider que ce dont parle la Bible nous concerne personnellement, ici et maintenant, même si nous sommes bien loin dans le temps et dans l’espace de l’origine de ces textes ! C’est une décision qui invite à chercher encore autre chose dans les récits, quelque chose pour ma vie, telle qu’elle est maintenant. Et c’est un nouveau chemin, différent de celui de l’analyse critique et historique, et appuyé sur ce travail préalable.

Dans ce nouveau chemin non plus nous ne sommes pas seuls : les mages ont voyagé ensemble, guidés par l’étoile. Nous pouvons lire la Bible avec d’autres de multiples manières, que ce soit dans une célébration ou dans un groupe de lecture biblique, ou même seul à la maison avec quelques commentaires. Qu’il y ait plusieurs chemins n’est pas une limitation mais une richesse indispensable : chaque être humain est unique, dans son histoire, dans ses capacités, dans son caractère, son chemin vers Dieu – ou plus exactement le chemin de Dieu vers lui, vers elle, sera unique. Au long de ce chemin, il arrive qu’on se trompe, qu’on s’égare. C’est arrivé à bien d’autres avant nous, et c’est arrivé aux mages : à l’approche du but, ils ont soudain cessé de suivre l’étoile pour aller à ce qui semblait le plus rapide : se rendre au palais pour chercher un futur roi. Cela arrive… mais l’étoile reste là, disponible à l’étude, à l’analyse, pour montrer à nouveau le chemin toujours ouvert.

Les mages sont enfin arrivés là où l’étoile les a menés : auprès de l’enfant nouveau-né. Ils cherchaient un roi devant lequel se prosterner ; ils ont trouvé un enfant pauvre au fin fond de la campagne. Que vont-ils faire ?

 

Pause musicale

 

Les mages sont arrivés auprès de l’enfant nouveau-né, qui semble bien loin de leurs attentes. Ils s’étaient mis en route pour se prosterner devant un futur grand roi. L’enfant ne porte aucune des marques attendues d’un roi à venir. Et les mages se prosternent quand même. Ils ont confiance que cet enfant est bien celui qu’ils cherchaient, et que c’est bien lui dont la venue les concerne si intimement qu’ils ont fait tout ce chemin pour le trouver.

Dans la Bible, nous cherchons la trace d’un Dieu qui s’est approché des humains, qui leur a parlé, qui a fait des miracles pour eux. Quand nous y cherchons quelque chose pour notre vie, nous attendons parfois un Dieu puissant, capable de nous dire quels sont les bons choix à faire dans notre vie, capable de redresser les torts dont nous ou nos proches sont victimes, de rendre la santé, de réparer les injustices ou que sais-je. C’est normal ! Et nous trouvons, comme les mages, un Dieu inattendu : un Dieu qui n’agit que par appel, incitation, un Dieu qui se confie aux humains pour que sa puissance se révèle, un Dieu qui donne toujours une autre chance, un Dieu qui n’a d’autres mains que les nôtres. Un Dieu qui peut sembler si faible et décevant pour cette part qui aurait tant eu besoin d’un Dieu fort tout de suite. Un Dieu aussi qui répond à l’attente d’une autre part de nous : cette part qui est nourrie de cette confiance, de cet amour, de ce pardon, de cette vie qui se donne. Cette part là peut, comme les mages l’ont fait, se prosterner devant ce Dieu-là.

La prosternation, ce n’est pas une image qui nous parle beaucoup à l’heure où nos valeurs cardinales semblent être l’indépendance et l’autonomie. Se prosterner, c’est signifier que l’on place au centre de sa vie ce Dieu-là, surprenant, déroutant, dont la puissance réside paradoxalement dans la faiblesse. Et le mettre lui à cette place-là, c’est renoncer à y mettre une idole : l’idole de notre orgueil, celle de notre peur, celle des injonctions familiales ou professionnelles. Choisir de mettre ce Dieu-là au centre, c’est choisir de vivre de son amour et non de notre crispation sur nos peurs d’être insuffisants. Ce geste de se prosterner est rendu possible par le chemin parcouru jusque-là. Autrement dit, il n’est pas une condition, mais une étape du chemin de la foi !

Après s’être prosternés, les mages quittent Jésus, et repartent chez eux, par une autre route. Ils ont maintenant la capacité de discerner un peu mieux qu’à l’aller les pièges du chemin, ils ont compris qu’Hérode n’est pas bienveillant, ils peuvent choisir un autre chemin et rentrer chez eux, nourris de ce qu’ils ont découvert pendant ce voyage, changés sans doute, d’une manière peut-être difficile à voir, à cerner précisément, mais au moins en cela qu’ils sont allés au bout de leur choix d’être concernés dans leur vie par la naissance d’un enfant au bout du monde. Les rois mages qui rentrent chez eux ne sont pas tout à fait ceux qui étaient partis...

Pour nous aussi choisir d’être concernés par ce Dieu-là, de lui reconnaître la place qu’il occupe dans nos vies, nous prosterner devant lui, nous change. Non pas en ce que nous deviendrions tout à coup mille fois plus intelligents, beaux, séduisants, riches, en bonne santé ou que sais-je. Mais en ce que se laisser rejoindre par l’amour qui nous précède ouvre de nouveaux chemins dans nos cœurs, renouvelle notre regard et nous fait voir autrement les êtres et les choses autour de nous.

On ne sort pas indemne d’un tel voyage, fut-il intérieur !

Peut-être connaissez-vous ce cantique qui dit « ne rentrez pas chez vous comme avant » ? On ne rentre pas chez soi comme avant après un temps fort spirituel, après une découverte comme celle qui nous attend sur le chemin de la foi. Alors, ce soir et tous les autres jours, je vous souhaite de ne pas rentrer chez vous comme avant, d’avoir été touché.es par quelque chose venu surprendre, déplacer, ouvrir, votre quotidien, quelle que soit la manière dont cela se manifeste concrètement dans vos vies. Gardez les yeux, les oreilles, l’intelligence et le cœur ouverts, car si Dieu se manifeste différemment pour chacun, pour chacune, sa promesse est la même pour tous : Dieu est toujours le premier à se mettre en route vers nous : il vient à notre rencontre là où nous sommes, sans attendre que nous soyons rendu.es là où lui se trouve et il nous répète « je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde ! »

 

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