No Video Files Selected.
10:00| | Prédications | Bruno Gérard

Paysage de sable et de roche avec la mer pour horizon.

C'est votre coin, le lieu familial où vous vous retrouvez tous les étés depuis des générations.

Ce lieu refuge auquel vous avez souvent pensé durant l'année écoulée, surtout les jours de grisaille ou de bise où vous vous êtes laissé enrobé de ce chaleureux souvenir.

Vous en connaissez les moindres recoins, la roche plus sombre de ce côté, les pins parasols accrochés à la falaise comme suspendus dans le vide sur la droite de la baie.

Puis tout à coup, un détail vous saute aux yeux … un relief, un arbre, une maison. Un détail que vous n'aviez jamais remarqué dans le panorama. Comment est-ce possible de n'avoir jamais perçu que la grande maison blanche aux volets rouges porte une croix sur son toit.

De retour dans la demeure familiale vous menez l'enquête :

« Dis donc, ils ont mis une croix sur la grande maison blanche !

        Mais enfin, la croix est là depuis que la maison est debout, vous rétorque-t-on ! »

Ébahi de cette découverte, vous n'allez plus voir que cela durant ce séjour, le détail envahit le paysage connu.

 J'éprouve ce phénomène en retournant dans les textes bibliques connus et reconnus, comme celui que nous avons entendu ce dimanche matin. Le texte de Genèse 4 narre les rapports du Seigneur avec les deux fils Caïn et Abel. Un texte lu relu qui dépasse le cadre biblique puisqu'il a inspiré nombre de créations.

Un texte que nous pouvons imaginer épuisé de sens mais qui en réalité se révèle à nouveau dans sa nouveauté. Ce qui d'ailleurs met à une certaine égalité celles et ceux qui reçoivent ce texte pour la première fois avec d'autres qui l'ont déjà parcouru.

 Comme dans le paysage connu, dans ma nouvelle immersion dans le texte, un verset est venu envahir le paysage. Il ne m'a pas fallu aller bien loin puisqu'il s'agit du premier :

L’homme connut Eve sa femme. Elle devint enceinte, enfanta Caïn et dit : « J’ai procréé un homme, avec le SEIGNEUR. » 

 Pour mémoire, cet épisode fait suite à l'exclusion d'Adam et Eve du jardin en raison de leur désobéissance. Ils ont goûté le fruit interdit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal.

 Malgré tout, à l'est de l’Éden la vie continue et papa et maman Adam et Eve fondent une famille. Devant son premier fils Caïn, Eve proclame : « J'ai procréé un homme, avec le Seigneur ». Je crois n'avoir jamais porté attention à cette incroyable déclaration d'Eve, cette confession de foi.

J'ai procréé avec le Seigneur, du verbe hébreu qana qui sonne comme le prénom de fils Cain.

Qana-Caïn le procréé avec le Seigneur.

Qana -procréer verbe de chair et d'incarnation du Seigneur en Eve.

 Par cette proclamation, Eve affirme la filiation divine de son garçon. Adam est le père, mais un père d'une nature identique et autre, prend cet enfant pour fils : le Seigneur.

Le premier fils procréé du Seigneur.

Par extension, cette paternité s'étend donc sur l'humanité dans cette affirmation d'Eve – la vie.

 Frère et Sœurs dans le Seigneur ... notons d'ailleurs que cette désignation de frères et sœurs dans cette assemblée n'a rien d'un patois liturgique mais traduit une réalité biblique. Par la déclaration d'Eve, nous sommes frères et sœurs dans le Seigneur. Nous sommes les procréés du Seigneur.

Frères et sœurs dans le Seigneur, nous portons toutes et tous en nous cette parentalité au Seigneur. Nous sommes toutes et tous des filles et fils.

Quelle nouvelle ! Quelle bonne nouvelle

Cela devrait nous suffire amplement pour enluminer notre vie : être fils et fille.

Être frère et sœur ...

Être fils et fille

Pourtant cette bonne nouvelle première ne garantit pas la sérénité.

Appartenir à une famille est une grâce incroyable.

Appartenir à une famille est aussi un fardeau terrifiant.

La famille est le lieu de l'amour mais aussi de la haine. La proximité, l'intensité des sentiments ressentis et éprouvés attisent colère, jalousie et son cocktail toxique d'emprise, de dépendance et d'amertume.

La famille en réalité, est assez loin du modèle de papier glacé que notre société veut absolument nous vendre où papa maman courent dans la verdure le sourire aux lèvres, les yeux éblouis devant leur blonde progéniture tout en santé et joie.

Il y a des moments de grâce mais pas seulement.

Dans la famille Adam et Eve, la distorsion apparaît bien vite.

Nous pouvons d'ailleurs remarquer que très vite Adam disparaît du récit et Eve aussi. Les deux fils Caïn et Abel se retrouvent seuls face au Seigneur.

C'est troublant, cette absence, surtout dans une société patriarcale. Il est d'usage que le patriarche préside le temps marquant de la vie du clan, comme la remise de la récole.

Adam est absent.

A-t-il des difficultés à se remettre de l'affaire du fruit défendu ?

Rien n’est dit sauf son absence.

Adam n'est pas là, le Seigneur lui bien présent ... et c'est le scandale :

 A la fin de la saison, Caïn apporta au SEIGNEUR une offrande de fruits de la terre ; 4 Abel apporta lui aussi des prémices de ses bêtes et leur graisse. Le SEIGNEUR tourna son regard vers Abel et son offrande, 5 mais il détourna son regard de Caïn et de son offrande.

 Devant cet incroyable rebondissement, nous éprouvons de l'empathie devant ce pauvre Caïn qui se retrouve déconfit avec son panier des fruits et légumes.

 Et la question émerge : Pourquoi ...

Quel est ce Dieu pervers qui s'arrête devant l'offrande de l'un et néglige celle de l'autre !

Quel père est-il ?

Une des règles de parentalité est d'essayer de traiter de façon équivalente sa progéniture en se gardant bien de favoriser l'une, l'un ou l'autre.

Tentative vouée à l'échec ... car élever une fratrie relève de l'équilibrisme.

 Dans son livre Le Livre des Baltimore, l'écrivain genevois Joël Dicker fait raconter à son héros combien il trouve que ses parents sont mal traités par ses grands-Parents qui préfèrent largement le frère de son père, l'oncle Saul, insolent de réussite. Le héros ne supporte pas par exemple que ses parents soient systématiquement cantonnés dans une chambre lugubre sans fenêtre et inconfortable alors que l'oncle et la tante bénéficient d’une pièce aérée et lumineuse dans la maison familiale. C'est pour lui la marque du désamour. Pourtant, il apprendra des années plus tard que ce sont ses parents eux-mêmes qui insistaient à chaque fois pour être logés là, dans cette chambre qu'ils considèrent comme plus pratique.

Ce qui semble être une injustice terrible cache parfois une explication. Une fois les choses clairement énoncées la jalousie s’apaise !

 Dans le texte de Genèse, nulle explication de l'agissement du Seigneur ne sera donnée !

Frustrant, n'est-ce pas ?

 Pourquoi un Dieu que nous disons juste et bon marque si distinctement son accueil de l'un et son rejet de l'autre ... ?

Bien que cela ne nous rassure pas beaucoup, il faut se remémorer que Dieu est insaisissable à nos entendements humains.

 Pourquoi un Dieu que nous disons juste et bon marque si distinctement son accueil de l'un et son rejet de l'autre ... ?

Dieu est aussi inatteignable et entouré d'un grand mystère. Nous pouvons crier à lui et nous révolter mais jamais mettre la main sur ses désirs.

 Ce texte de Genèse décape en nous l'image d'un Dieu doudou et égalitaire qui traite ses enfants avec une bonhomie et une égalité bienveillante.

L'agissement de Dieu pique notre sentiment d'injustice quand il s'agit d'Abel et Caïn.

Un peu moins quand il s'agit d'évaluer les bienfaits dont je dispose par rapport à autre.

 Alors oui :

Pourquoi un Dieu que nous disons juste et bon marque si distinctement son accueil de l'un et son rejet de l'autre ... ?

Ce pourquoi ... qui ouvre des abysses d'incompréhension.

Ce pourquoi sans réponse qui enferme.

 Peut-être qu'il serait bon de passer du pourquoi au comment ?

Comment vivre devant ce qui nous arrive. La question de la foi est sûrement un comment plutôt qu'un pourquoi !

Le pourquoi enferme et aigrit.

Le comment ouvre un dialogue ...

 Jamais Caïn n'ouvre le dialogue. Il s'enferme dans sa colère et son ressenti jusqu'à tuer son frère.

Jamais Caïn n'émet le moindre signe de repentance face au meurtre d'Abel. Il s'inquiète juste de la difficulté de sa vie d'errance au pays des vagabonds. Il a tué son frère, œil pour œil, dent pour dent, n'importe qui le croisant peut maintenant venger le crime de sang.

Caïn s'est enfermé dans sa colère parce qu'il a tout de suite répondu au : Pourquoi un Dieu que nous disons juste et bon marque si distinctement son accueil de l'un et son rejet de l'autre ... ? Pour Caïn la réponse est immédiate : parce que le Seigneur préfère mon frère Abel. Lui Caïn, le procréé du Seigneur s'enferme dans sa réponse définitive qui tuera son frère.

Caïn ne voit que l'outrage et oublie qu'il est avant tout fils du Seigneur.

Ce texte de Genèse est une invitation à changer nos « pourquoi » en « comment » ... comment affronter une situation qui nous frappe et nous anéantit ?

C'est la question de la vie !

C'est la question de la foi !

Au lieu de charger le Seigneur de tous les maux prendre le temps de se dire comment gérer la situation vers plus de vie !

Car le Seigneur lui reste là. Il ne laisse pas Caïn seul dans sa fuite.

Il renoue le dialogue face à un Caïn mutique et haineux.

Malgré tout, dans ses errances il reste le fils du Seigneur qui le marque de sa protection.

Frère et Sœurs,

L'inépuisable source du texte biblique est une invitation à la vie devant le Seigneur.

Une invitation en « comment » ...

Comment me ternir devant le Père.

Amen

Cookies

This website uses cookies. By continuing to browse the site you are agreeing to our use of cookies. Find out more